Douzième Article
Quand la Socialisation nous endort...
Pour échapper au piège de la Socialisation, il faut être très fort et pour devenir un vainqueur, mot qui n'est plus douteux lorsqu'il s'agit de soi, vis-à-vis de sa propre vie, il faut être précis.
Quel serait donc l'intérêt véritable de la Précision ? La Logique ne suffirait-elle pas ?
Evidemment, on peut être précis et illogique. Par contre, il est impossible d'être logique et imprécis. Un raisonnement n'arrive pas à se développer s'il lui manque un seul élément pour définir son sujet.
C'est ce qui se passe lorsqu'une Logique de l'Instant entre dans le cadre de la Logique de Rigueur Universelle, tout en n'en étant qu'une petite partie.
Pour se rapprocher de l'universalité d'une logique rigoureuse, il est ainsi nécessaire de rechercher le plus possible la précision la plus grande.
Mais cela ne suffit encore pas. Il faudrait aussi tenir compte de l'adaptation cybernétique, gérant l'Instant Interactif. C'est dire que la communication avec les autres et avec soi-même sous-entend un contact émotionnel au travers des sens. Tout se recoupe. Chacun dépend de chacun et de chaque chose.
Ainsi la rigueur est indispensable pour avoir une notion exacte de la Situation. Il faut pourtant, en un premier temps, se souvenir que trop de rigueur risque de bloquer les situations.
La Question Primordiale de départ étant "QUI SUIS-JE ?", l'individu va devoir se rendre compte qu'il est à la fois dans la société et hors de la société, lorsqu'il occulte le regard de l'autre qui le juge en représentation.
Ce va-et-vient le déstructure. C'est pourquoi la plupart du temps, il préfère oublier la rigueur de son propre regard. Il se fie et se plie alors à ce jugement d'autrui qui inclut les statistiques et les généralités.
Cette Socialisation lui donne un rôle qui n'est pas le sien. Au départ, il est neuf, immature, sans attitude.
Quand il naît l'enfant ne sait pas qu'il existe. Il le saura que bien plus tard, après avoir constitué son schéma corporel.
En attendant, il se contente d'être dans ce que certains psychiatres appellent son "moi-tout", au sein duquel il ne se distingue pas du monde qui l'environne.
Ne sachant pas encore qu'il existe dans un milieu différent de lui, il va mémoriser, avec le retour du bien-être, les autres simulations sensorielles qui sont associées à l'assouvissement de sa faim : le visage de la mère, la voix du père, la chaleur, le bain.
Lorsque, vers le huitième ou dixième mois, son action progressive sur le milieu lui fera prendre conscience de son existence distincte du milieu qui l'entoure, il va découvrir sa mère, source de de toutes ses récompenses jusque-là.
Mais quand il va aussi découvrir que cet objet gratifiant n'appartient pas qu'à lui tout seul, mais aussi aux frères et soeurs, il comprendra d'un seul coup, qu'il peut perdre en partie sa gratification et découvrira la jalousie et l'amour malheureux.
Très vite, il découvrira aussi que les automatismes simples que l'on essaie d'introduire dans son système nerveux, concernant l'alimentation et le fait d'aller seul aux toilettes pour ses besoins naturels, sont des sujets de récompense pour les parents, s'il s'y soumet.
Il sera encouragé et flatté par eux dans ce dernier cas, puni dans le cas contraire. Il utilisera le "non-conformisme" comme moyen de punition à l'égard de ses parents, et déjà un réseau complexe d'interactions prendra naissance entre lui et le milieu qui l'entoure.
C'est vers l'âge de deux ans que l'enfant a conscience de ses premières véritables confrontations avec les adultes. Après le long passage fusionnel avec la mère et son prolongement dans l'univers, il se distancie. Enfin, il commence à prendre sa dimension particulière d'entité individuelle.
Il continue, par habitude, à rechercher la fusion avec les autres. Cela prendra le visage de l'amour, de la reconnaissance par son affirmation de la personnalité, de la quête de l'identité, attitude de fierté par ses propres différences.
Mais les images, diffusées par les adultes, les décrivent la plupart du temps comme des êtres solides et supérieurs. Pour sa part, il sait très bien qu'il est différent de ce schéma. Cerné par son aspect d'enfant, il se sent un étranger parmi les grands.
Les grandes personnes lui semblent des êtres parfois forts, parfois fragiles et tour à tour forts et fragiles.
Mais pourquoi pas en même temps forts et fragiles ? Peut-être même ni l'un, ni l'autre ? Ou encore à la fois l'un et l'autre et en même temps ni l'un ni l'autre ?
Son appréhension de lui-même a besoin d'une mise au point. Il a réussi, à la longue, à cerner quatre principales formes de Sensations qu'il peut choisir à chaque instant. Il a éliminé les moins nécessaires. Il y en aurait beaucoup plus, mais il ne peut y en avoir moins.
Ces états d'âme peuvent être ressentis par lui dans le désordre. Ils font partie du premier classement prévu pour décrire avec justesse son Personnage de l'Instant.
Hélas, il a et il aura de plus en plus de mal à garder une image très claire de son propre ego.
L'instant vital de protection et de survie de lui-même, instinct qu'il devrait privilégier, va s'effacer au fur et à mesure, devant les pulsions fortes que lui imposent l'instinct de survie de l'espèce humaine.
Pour s'en sortir, il n'a plus que la solution de remplacer la morale par la logique. Il devra renoncer à porter tout jugement de valeur, à se fier aux statistiques, aux généralités. Il devra, les réajustant à chaque instant, les remplacer par les pourcentages de probabilités.
Malheureusement dès qu'un être trop socialisé se meut, la question de son devenir le taraude. La Question Primordiale qu'il se pose jour après jour "Où vais-je ?" signifie "Quel est le BUT ?", et surtout "Comment y aller ?"
Il prononce chaque fois la formule magique : "Partons du principe que je vais atteindre mon objectif". Cette phrase est l'expression même de l'espoir. En effet, l'individu envisage, en la prononçant, qu'il sera toujours vivant lorsqu'il sera arrivé au milieu de sa réponse.
Moins socialisé, il se pose moins de questions. Mais, même dans ce cas, il devra faire chaque fois le voyage qui va de son interrogation présente jusqu'au lieu où se trouve la solution de sa quête. Il a besoin, pour cela, de toute son énergie.
Dans le cadre d'une "Logique de Rigueur", seule une méthode d'auto-investigation peut venir à son secours. Elle lui proposera de fouiller dans tous les détours de son intention, mettant en lumière, sans complaisance, les parties sombres qu'il a tendance à occulter.
S'agit-il de domaine concret ou abstrait ? De temps, d'espace, de passé, de futur ? Est-il en terrain sûr ou en terre inconnue ? Et surtout est-il, lui-même, en état de conclure cette expédition ?
Arrive le moment de faire le bilan de l'expérience. Qui est-il réellement ? Il doit le découvrir, car c'est CET individu-là qui pourra ou non prendre la route.
L'état dans lequel il se trouve à chaque instant va dépendre de trois choses. Son rôle est désigné par trois paramètres. Le premier vise à définir l'appréhension qu'il a de lui-même à ce moment-là. Elle sera une opération différente à chaque fois. Elle peut même varier rapidement.
On pourrait imaginer que cette sensation se présente comme un vêtement que le voyageur revêtirait à l'occasion du traitement de son information en cours.
Un fois défini le costume, habit virtuel dans lequel il va se glisser et qui doit le faire exister devant ses semblables et par l'intermédiaire duquel il devient visible à ses propres yeux, il lui est nécessaire de commencer à communiquer avec ses congénères, grâce au langage et à sa façon de l'utiliser.
Voilà pourquoi l'apparence physique est si prépondérante, et ceci particulièrement dans la société actuelle.
Elle contribue à chaque "création de l'instant" à former l'image globale de son propriétaire. Même lorsque l'on croit s'habiller, s'embellir "POUR SOI", c'est toujours au travers des autres qu'on l'assume.
Chloey Till "INFINIMENT LOGIQUE"