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Quatorzième Article

 

 

                                               Survie Individuelle

 

Je rencontrais Max, en 1980, sur le tournage d'une émission que je faisais sur la cybernétique, en tant qu'auteur-réalisateur.

 

Parallèlement à mon activité professionnelle de journaliste et de responsable en communication, je travaillais à cette époque, à l'étude du traitement de l'information au coup par coup, par l'individu. Tous les phénomènes que l'interactivité développe m'ont toujours intéressée.

 

Le micro-ordinateur que je venais d'acheter me montrait les ressemblances troublantes entre son fonctionnement et celui qui s'imposait pour le cerveau humain. Il découlait de cette proposition qu'un être pensant se voyait raisonner à chaque instant (coupé du précédent et du suivant), non plus d'après un jugement social, mais d'après ses motivations personnelles.

 

Cette nouvelle vision parut si évidente à Max et à certains de nos camarades que nous décidâmes de nous regrouper pour faire des recherches plus approfondies, afin de comprendre ce qui les différenciait des attitudes habituelles.

                

Des rencontres d'abords épisodiques, puis régulières, nous permirent de comparer ces façons de raisonner.

 

Au départ, tout le monde fut d'accord pour décider que dorénavant et dans un but de réflexion, chacun penserait à soi avant de penser aux autres. On ne s'occuperait du prochain que s'il risquait de nuire à notre confort moral, physique ou intellectuel.

 

Après un certain moment d'euphorie qui promenait des néophytes sur un petit nuage de bien-être, les participants réalisaient que la prise en compte de l'environnement, en vue de l'ajuster à leur propre désir, n'était pas une affaire aussi simple.

 

Pourtant le noeud du problème ne se situe pas là, mais plutôt dans le principe initial. A part un ou deux leaders du groupe, les autres perdaient très rapidement de vue le pourquoi des expériences.

 

En bref, la plupart prononçait bien la formule convenue au départ: " -- Moi d'abord, tout en faisant attention à ce qui m'entoure. Le reste viendra après, et tout en même temps, maintenant."

 

Mais petit à petit, leur système de raisonnement retournait à la vision que la société avait d'eux et qu'ils reprenaient à leur compte. C'est-à-dire : -- J'ai décidé de m'intéresser à moi. Si vous, Individus et Sociétés, vous voulez m'en empêcher, je ne me laisserai pas faire".

 

La partie était perdue dès l'instant où l'expérimentateur, en disant s'occuper de lui avant tout, prononçait cette phrase vitale devant les éléments extérieurs à qui il reconnaissait le droit de le juger.

 

Nous nous rencontrions souvent dans les cafés, ou dans de petites salles de conférences prêtées par des écoles de commerce, des associations ou des sociétés de consultants.

 

Le but principal de ces réunions était d'expérimenter toutes disciplines et circuits échappant aux schémas classiques. Parmi les autres façons d'agir, notre nouvelle proposition de traitement de l'information par le cerveau, en faisait partie.

 

Notre réflexion nous porta à faire un récapitulatif de l'évolution de l'homme et du problème de sa survie individuelle, distincte de celle de l'espèce.

 

Il faut dire que l'histoire de l'humanité et la description du fonctionnement du cerveau n'ont jamais été explicitées de façon précise.

 

En admettant l'idée d'une évolution génétique, du protozoaire de l'homme, en passant par la cellule ciliée, les poissons et les primates, on peut imaginer que la progression est partie de l'individualisation pour arriver à la socialisation.

 

Puis, un jour, l'individu encore animal s'est trouvé face à un moment crucial pour sa survie. Alors, par un tragique besoin de totale adaptation, il rejoint l'abstraction. Se privant de toute nature, il devient capable de tout. Il mange de la viande en étant encore herbivore et insectivore.

 

Il a réussi à comprendre que son instinct de survie personnelle passe avant l'instinct de survie de l'espèce.

 

Malheureusement, son égocentrisme aveugle se transforma  ensuite, par manque de lucidité, en égoïsme. Empêché de voir la nécessité absolue qu'il a de tenir compte de son entourage sous peine de mort, il ne se préoccupa plus de son environnement que pour son bien personnel limité.

 

Il oubliait que, si son voisin n'était pas en bon état de marche, "LUI" ne pouvait pas l'être non plus.

 

Devenu humain, l'homme, bien que conscient de sa qualité d'individu, préféra , pour plus de commodité, s'en tenir à une fausse copie de la socialisation animale.

 

Pour de bien mauvaises causes, il remit en avant la soi-disant "survie sacrosainte" de l'espèce humaine. Puis afin de consolider sa nouvelle loi, il instaura le  

"MONDE de la RAISON", en oubliant toute logique, pour enfermer chaque être dans un même moule.

 

Certains contestataires cherchèrent en vain à protester. Même Montaigne, qui prônait les vertus de la "Gaie Ignorance", affirma qu'il ne fut jamais au monde deux opinions pareilles.

 

Ce recours à Montaigne souligne remarquablement la différence de ces deux mondes éloignés. L'un est rationnel, bloqué, en face des constatations neutres, l'autre est plus ouvert. Ce ne sont même pas deux oppositions. Montaigne nous le fait remarquer malicieusement : -- Je ne hais pas les fantaisies contraires aux miennes.

 

Il savait bien, pourtant, que le fait de penser la chose et son contraire fait partie de l'interdit depuis cette nuit des temps. Et probablement sans doute encore pour longtemps.

 

Il n'y a pas de remède pour celui qui prône l'UN et sa diversité, allant de son affirmation à sa négation, en passant par son inconnaissance.

 

Cet individu va être considéré comme un marginal, mal accepté. La controverse est toujours considérée comme une attaque directe : "-- Lorsque l'on dit que quelque chose ne va pas, il le prend mal, alors que ce ne sera jamais qu'une constatation".

 

Pour diriger l'espèce humaine, l'homme de RAISON transforma, ainsi, un sain instinct de survie personnelle en "égotisme". Son souci de l'environnement, pour son adaptation de l'instant , se changea en lois civiques visant à protéger l'espèce socialisée.

 

Au fur et à mesure que les créateurs de ces lois prenaient de l'avance sur leurs administrés, leur suprématie religieuse et sociale s'agrandissait.

 

Développant leurs qualités par une éducation archaïque et une instruction soutenues, ils devinrent des dominants, traitant les faibles comme des éléments inférieurs du corps social, les rabaissant au rang d'insectes incapables de jugement personnels.

 

Mais l'humanité ne peut progresser lorsqu'elle fonctionne en régime fermé. Car, alors, ni les dominants, ni les dominés ne peuvent sortir sans investigation d'un état de sous-humain.

 

Le raisonnement basé sur des fausses données de valorisation de la pérennité s'oppose à l'adaptabilité, seule notion habilitée à ouvrir la voie au progrès intellectuel.

 

Ainsi les questions de déontologie ethnique, entre autres, sont mal positionnées si elles tiennent compte des idéologies rigides et bloquées. Elles ne doivent plus se baser dorénavant que sur une simple logique de survie de l'instant, créée par et pour chaque individu.

 

Cette survie protège tout l'ensemble planétaire, puisqu'en se protégeant, prioritairement et avant tout, l'individu se préoccupe aussi de l'autre et de son propre environnement mondial et interplanétaire.

 

 

 

                                                                    Chloey Till        "INFINIMENT LOGIQUE"

 

 

 

 

                                                                  

 

                                            



11/01/2016
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